Espaon, le village qui marche par deux ? Deux moulins. Deux fêtes locales (3ème week-end d’octobre et Saint-Jean). Deux départementales (265 et 537) qui se croisent. Deux associations : un comité des fêtes et une société de chasse. Deux anciens bistrots. Deux 2CV retapées comme neuves par un retraité. Et si vous multipliez par cent vous obtenez le nombre d’habitants !
Mais dans ce bourg, hormis pour les finances locales, on s’en moque bien de la comptabilité. « Ici, tout se passe autour d’une table », préfère avancer le maire, Michel Traverse. Une table de jeux ? Que Nenni ! Celle où la ripaille tient de religion, avec tout ce que le bœuf peut vous livrer de meilleur. Et cette renommée culinaire on y tient par dessus-tout. « Nous mangeons des produits de qualité. » Façon de tacler gentiment la commune voisine – et non moins amie – de Montpézat où la tradition du 15 août (Saves de Janvier 2015) s’apparente plus à du « folklore ».
Énergie
À l’instar des communes environnantes, Espaon a fait sa mue. L’école a fermé en 1987et il ne subsiste plus aucun commerce. La population aussi a changé avec l’arrivée de « retraités et d’actifs travaillant sur Toulouse ». Même s’il ne reste « que six agriculteurs », les activités agricoles demeurent majoritaires : éleveur de blondes d’Aquitaine, de volailles et gavage. « Espaon est en deux partie : toute la plaine, c’est maïs, maïs, maïs, et dans les coteaux, c’est plus divers, avec de la polyculture. »
Côté entreprise, le village peut s’enorgueillir de voir perdurer une minoterie familiale depuis 165 ans. Chez les Cousseau (lire le portrait de Jean-Pierre sur le site), on tombe dans la farine de génération en génération. Le moulin produit même de l’électricité.
Ah, l’énergie ! Une particularité locale. Ils sont trois à fabriquer du kilowatt : une ferme photovoltaïque, Cousseau et… monsieur le maire ! « Mais moi, c’est une dynamo de bicyclette ! » Il n’empêche, c’est bien la « petite centrale électrique » de son moulin qui lui a fourni le courant lors de la tempête Xynthia. « Les gens disaient : Cela se voit que c’est le maire. Lui, on le dépanne tout de suite ! », sourit Michel Traverse
Unique
Près de la mairie se trouve « un travail pour les bovins » : une petite cabane qui servait à ferrer les bœufs. Petite trace du patrimoine, au même titre que l’église Saint-Saturnin du XVIème siècle et « quelques très belles maisons en brique rouge ». Et la voie romaine entre la Save et l’Espienne ? Suite à des fouilles, on y trouva des poteries et de l’outillage. « Rien de significatif… »
Finalement, n’est-ce pas le monument aux morts qui mérite le détour ? Très original et unique : le seul du canton – « et du sud-ouest ! » – orné de l’équipement du poilu. Mais la singularité d’Espaon, on la trouve chez certains de ses habitants. Tel Jean-Claude Lansac, un authentique amoureux de l’automobile. L’ancien garagiste s’évertue à donner une nouvelle jeunesse à la mythique 2 CV. Il entame sa troisième. Histoire de tordre le cou à notre idée de voir un village qui marche par deux…
Première partie du reportage sonore sur Espaon
Deuxième partie
Repère
200 habitants
889 ha.
Mairie d’Espaon
32220
05 62 62 54 95
[email protected]
Maire : Michel Traverse
Jean-Pierre Cousseau, meunier sur le départ en off
A la fin de l’été, le meunier pourra dormir. Et tant pis, si son moulin tourne trop vite. « Fatigué » de ce « métier très difficile ». 43 ans dans la farine. Jean-Pierre Cousseau est tombé dedans à l’âge de 17 ans. Et comment ? Long silence. « Par la force des choses… », finit-il par concéder. Difficile d’en savoir plus. L’homme est avare de confidences et d’anecdotes. Sauf en off…
Alors, on tente d’en savoir plus sur cette saga familiale de « six, sept générations », commencée en 1850. Un barrage reconstruit sur la Save près des traces de l’ancien moulin de Courneil (1208) – situé au milieu de la plaine, « au pied de la voie romaine qui reliait le vieux Lombez à l’Isle-en-Dodon » – et l’actuel moulin érigé en 1963 : voilà pour le décor.
Une production de « 1000 à 1200 tonnes destinée aux boulangeries, pâtisseries, pizzerias et particuliers » à partir d’un blé collecté chez des agriculteurs à « 20 km à la ronde ». Et un moulin qui produit aussi de l’électricité.
Mais l’essentiel est ailleurs. Dans cette corporation qui se meurt, car « la consommation de pain a diminué », la grande distribution impose son modèle et la multiplication des « Points chauds » menace la boulangerie traditionnelle. Pessimiste ? « Non, réaliste », corrige-t-il à la volée.
Demain, sa fille Pauline prendra sa suite. « Cela n’intéressait pas mon fils. » À 23 ans, la jeune femme, licenciée en droit, préfère conserver le silence. Sauf en off… Et lui, comment la vit-il cette succession ? Un pincement au cœur ? « Y a des jours oui, y a des jours non. » Le reste, c’est du off.
Avant de le quitter, on tente de décrocher un ultime souvenir. « Les inondations de 1977. Y avait de l’eau jusqu’à la fenêtre du bureau ! » Ça le brasse encore. Mais pour en savoir plus, c’est off…